Pour séduire, il est plus avantageux de se relâcher que de se tendre dans un effort dont on se rend prisonnier. En aïkido, on appelle cela de laisser passer le ki, laisser les choses se développer sans les contraindre par des attentes trop précises ou des a priori qui les étouffent, et contre lesquels elles se rebiffent. Cela suppose disponibilité et confiance en soi, mais aussi foi dans une harmonie supérieure qui englobe et que l’on sert dans la sincérité de son engagement.
L’incomplétude de l’homme ou de la femme ne constitue pas une donnée première comme un excès d’individualisme conduit à le penser. La donnée première est l’unité qui se manifeste dans la dynamique des contraires à l’image de la complémentarité du yin et du yang qui se transforment l’un l’autre et se donnent mutuellement naissance. Le jour n’existe pas de manière séparée et autonome sans la nuit, et la partie n’a de sens que dans son union à son complément. Reconnaître la primauté de cette fusion, au moins en référence, rend disponible le séducteur, ou la séductrice, qui sait que son existence n’a de sens que par rapport à l’harmonie dont il, ou elle, est partie prenante.
En amont de toute forme, il est une énergie subtile (ki en japonais) qu’on ne peut mesurer mais sentir même si elle est à la fois en deçà et au-delà de la sensation. Pour emprunter une image, on dirait qu’elle innerve les formes et les manifestations. Avant de se concrétiser, une tendance ou une appétence peut être entendue comme un potentiel d’action et de connexion auquel l’aïki-séducteur s’accouple en y réglant son souffle et sa polarité. Ce qui fait d’une personne ce qu’elle est, constitue un projet, un désir de projection et de rencontre, et se laisser séduire par cela représente un heureux préalable à une capacité de séduction.
La souplesse permet le passage de l'énergie. La souplesse est une qualité du corps mais aussi de l'esprit. Elle permet l'adaptation et elle crée l'ouverture vers une meilleure situation. Noro Sensei.
Laisser passer le ki suppose ne pas chercher à s’imposer ou imposer une direction et un calendrier quelconque aux événements. Cela signifie laisser vivre l’énergie qui circule chez l’autre, en soi-même et dans l’échange essentiel avec l’environnement. Cela se traduit dans une disposition flexible qui ne prétend pas « arrêter le monde », ni lui faire violence en tentant de lui dicter un scénario spécifique qui lui serait étranger.
La référence caricaturale à un couple où l’un ne serait que passif et l’autre exclusivement actif, ne tient pas un instant. Sous ses apparences rassurantes, une telle représentation des choses abuse, et en définitive frustre, une séduction qui se concevrait seulement comme l’exécution d’un désir, d’une formule ou d’une méthode qu’il s’agirait d’appliquer sur une autre personne que l’on traiterait plus en temps qu’objet que sujet.
Toute la machinerie des pick up artists, adeptes du fast dating, du coaching ou de la speed seduction[1]… venue des Etats Unis d’Amérique s’inscrit dans une tendance techniciste, où au final, même si la femme est « tombée », le séducteur se retrouve exclu de la séduction car ce n’est pas lui qui a séduit mais un ensemble de formules qui lui a donné l’apparence d’une « victoire ». Il a exécuté un scénario écrit par d’autres, pas par lui et c’est bien naturel qu’il ne s’y retrouve pas ! La séduction procède d’un drame vital où l’individu se joue avec la même sincérité que l’entreprise sur son marché, ou une administration avec ses usagers, et non d’une expérience ou d’une manipulation dans un laboratoire en plein air.
C’est par l’union des souffles et des rythmes que le séducteur conduit la dynamique d’ensemble d’une relation. Il n’agit ni contre, ni à l’encontre de l’autre, mais en se fondant dans un mouvement qui n’appartient à personne en particulier mais qui révèle les germes d’une harmonie qui se déploie, ou… qui échoue étant non avenue ! Sentir l’autre signifie recevoir librement ce qu’il est, ce qui le caractérise, sans intention de le détruire ou de s’y opposer, et cela à partir de ce que l’on est, ce qui signifie aussi s’accepter.
Aller plus loin : Sun Tzu. Stratégie et Séduction. Pierre Fayard, Ed. Dunod, oct. 2009.
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Cette fois, je n'ai pas grand chose à dire... Si ce n'est que vous abordez la chose avec une grande pénétration... Bon, va pour "lucidité", histoire de ne pas faire de double-sens douteux ! ^^'
Rédigé par : Longzi | 05 août 2009 à 16:21